dbo:abstract
|
- Antônio Vicente Mendes Maciel (Quixeramobim, 13 mars 1830 — Canudos, 22 septembre 1897), mieux connu sous le nom d'Antônio Conselheiro (litt. Antoine Conseiller), mais se nommant lui-même le Pèlerin, était un prédicateur laïc et chef religieux millénariste brésilien. Vers la fin des années 1850, poussé sans doute par des déboires domestiques, il commença une vie d’errances dans les campagnes semi-arides et peu peuplées (sertões) du Nordeste brésilien, tout en prêchant une sorte de mysticisme chrétien primitif, assorti de préceptes moraux avant tout pratiques. Selon la vision classique (c'est-à-dire celle des élites européanisées du littoral, véhiculée en particulier par le maître-livre d’Euclides da Cunha), Antônio Conselheiro, faisant forte impression sur les populations rurales des sertões nordestins par son allure christique, et trouvant dans la structure mentale de la population, avec ses coutumes locales ancestrales et ses atavismes, notamment le sébastianisme, un terreau propice, réussit par ses prédications, combinées à diverses bonnes œuvres et à sa réputation de thaumaturge, à acquérir un fort ascendant chez les habitants d’une grande partie du Nordeste. Sa doctrine millénariste et son messianisme, — lesquels au demeurant, s’appuyant sur des sources liturgiques reconnues par l’Église, ne s’écartaient guère de l’orthodoxie catholique et se fondaient avec les traditions religieuses séculaires propres au sertão —, le portaient à prôner une stricte ascèse et le renoncement aux biens terrestres, mais aussi à critiquer âprement l’Église catholique romaine. Partisan, pour des raisons religieuses, de la monarchie, il s’opposa au nouveau régime républicain instauré en 1889 et aux nouvelles législations, notamment relatives au mariage civil, jusqu’à entrer, en 1893, en rébellion ouverte contre les autorités, en provoquant des incidents violents. Contraint d’éviter désormais les zones peuplées, il fonda, avec sa suite de sectateurs, une colonie autonome dans l’ancienne fazenda abandonnée de Canudos, située dans un lieu écarté et aride du nord de l’État de la Bahia, que vinrent bientôt rejoindre des milliers de sertanejos — en majorité paysans, Indiens, et esclaves noirs récemment affranchis, mais aussi quelques personnes de la classe aisée. Davantage que par un fanatisme religieux irrationnel ou par une psychose collective, postulés par les élites du littoral, l’engouement des sertanejos pour la colonie d’Antônio Conselheiro s’explique par des motifs avant tout pragmatiques, même si le désir d’obtenir la rédemption dans cette cité de Dieu joua un rôle important : il s’agissait en effet aussi de s’échapper d’un monde tourmenté par les catastrophes naturelles, marqué par des rapports sociaux violents et inégalitaires (restés inchangés en dépit de la révolution républicaine), et de trouver refuge dans une communauté plus solidaire, où l’économie était largement socialisée, quitte à se plier aux règles et rites parfois extravagants du chef ; s’y ajoutait, dans les campagnes profondes, une perte générale de repères à la suite des transformations républicaines et de la modernisation. Cependant, la colonie des Canudenses finit, en particulier par la pénurie de main-d’œuvre que les nombreux départs vers Canudos risquaient de provoquer dans les fazendas, de susciter l’hostilité des grands propriétaires fonciers, lesquels, secondés par une Église catholique désireuse de rétablir son autorité pleine et entière dans ces régions éloignées, surent mobiliser les élites dirigeantes dans la capitale de l’État fédéré et amener le gouverneur de Bahia, à la faveur d’un banal incident opportunément outré, à dépêcher contre Canudos un détachement de police, que les conselheiristes cependant réussirent à refouler. L’échec de cette première expédition détermina une requête d’intervention fédérale et fut l’amorce d’une escalade du conflit, alimentée par la presse de l’époque et de nombreux historiens contemporains des événements, qui s’appliquèrent, pour justifier l’intervention militaire et le subséquent massacre, à dépeindre Conselheiro comme un dément, comme un fanatique religieux et (à tort) comme l’un des dirigeants d’une vaste contre-révolution monarchiste. Antônio Conselheiro et ses jagunços (hommes armés), aidés par l’environnement naturel hostile de Canudos et par les erreurs d’appréciation répétées des militaires, surent opposer une résistance farouche aux offensives des forces armées fédérales ; ce n’est qu’à l’issue d’une quatrième expédition militaire, de grande envergure, dernier acte de la dénommée guerre de Canudos, que le pouvoir républicain parvint enfin, en 1897, à s’emparer du village rebelle, pour l’anéantir complètement et massacrer la quasi-totalité de la communauté, soit environ 15 000 personnes. Antônio Conselheiro lui-même périt dans la phase finale du conflit, probablement de la dysenterie. (fr)
- Antônio Vicente Mendes Maciel (Quixeramobim, 13 mars 1830 — Canudos, 22 septembre 1897), mieux connu sous le nom d'Antônio Conselheiro (litt. Antoine Conseiller), mais se nommant lui-même le Pèlerin, était un prédicateur laïc et chef religieux millénariste brésilien. Vers la fin des années 1850, poussé sans doute par des déboires domestiques, il commença une vie d’errances dans les campagnes semi-arides et peu peuplées (sertões) du Nordeste brésilien, tout en prêchant une sorte de mysticisme chrétien primitif, assorti de préceptes moraux avant tout pratiques. Selon la vision classique (c'est-à-dire celle des élites européanisées du littoral, véhiculée en particulier par le maître-livre d’Euclides da Cunha), Antônio Conselheiro, faisant forte impression sur les populations rurales des sertões nordestins par son allure christique, et trouvant dans la structure mentale de la population, avec ses coutumes locales ancestrales et ses atavismes, notamment le sébastianisme, un terreau propice, réussit par ses prédications, combinées à diverses bonnes œuvres et à sa réputation de thaumaturge, à acquérir un fort ascendant chez les habitants d’une grande partie du Nordeste. Sa doctrine millénariste et son messianisme, — lesquels au demeurant, s’appuyant sur des sources liturgiques reconnues par l’Église, ne s’écartaient guère de l’orthodoxie catholique et se fondaient avec les traditions religieuses séculaires propres au sertão —, le portaient à prôner une stricte ascèse et le renoncement aux biens terrestres, mais aussi à critiquer âprement l’Église catholique romaine. Partisan, pour des raisons religieuses, de la monarchie, il s’opposa au nouveau régime républicain instauré en 1889 et aux nouvelles législations, notamment relatives au mariage civil, jusqu’à entrer, en 1893, en rébellion ouverte contre les autorités, en provoquant des incidents violents. Contraint d’éviter désormais les zones peuplées, il fonda, avec sa suite de sectateurs, une colonie autonome dans l’ancienne fazenda abandonnée de Canudos, située dans un lieu écarté et aride du nord de l’État de la Bahia, que vinrent bientôt rejoindre des milliers de sertanejos — en majorité paysans, Indiens, et esclaves noirs récemment affranchis, mais aussi quelques personnes de la classe aisée. Davantage que par un fanatisme religieux irrationnel ou par une psychose collective, postulés par les élites du littoral, l’engouement des sertanejos pour la colonie d’Antônio Conselheiro s’explique par des motifs avant tout pragmatiques, même si le désir d’obtenir la rédemption dans cette cité de Dieu joua un rôle important : il s’agissait en effet aussi de s’échapper d’un monde tourmenté par les catastrophes naturelles, marqué par des rapports sociaux violents et inégalitaires (restés inchangés en dépit de la révolution républicaine), et de trouver refuge dans une communauté plus solidaire, où l’économie était largement socialisée, quitte à se plier aux règles et rites parfois extravagants du chef ; s’y ajoutait, dans les campagnes profondes, une perte générale de repères à la suite des transformations républicaines et de la modernisation. Cependant, la colonie des Canudenses finit, en particulier par la pénurie de main-d’œuvre que les nombreux départs vers Canudos risquaient de provoquer dans les fazendas, de susciter l’hostilité des grands propriétaires fonciers, lesquels, secondés par une Église catholique désireuse de rétablir son autorité pleine et entière dans ces régions éloignées, surent mobiliser les élites dirigeantes dans la capitale de l’État fédéré et amener le gouverneur de Bahia, à la faveur d’un banal incident opportunément outré, à dépêcher contre Canudos un détachement de police, que les conselheiristes cependant réussirent à refouler. L’échec de cette première expédition détermina une requête d’intervention fédérale et fut l’amorce d’une escalade du conflit, alimentée par la presse de l’époque et de nombreux historiens contemporains des événements, qui s’appliquèrent, pour justifier l’intervention militaire et le subséquent massacre, à dépeindre Conselheiro comme un dément, comme un fanatique religieux et (à tort) comme l’un des dirigeants d’une vaste contre-révolution monarchiste. Antônio Conselheiro et ses jagunços (hommes armés), aidés par l’environnement naturel hostile de Canudos et par les erreurs d’appréciation répétées des militaires, surent opposer une résistance farouche aux offensives des forces armées fédérales ; ce n’est qu’à l’issue d’une quatrième expédition militaire, de grande envergure, dernier acte de la dénommée guerre de Canudos, que le pouvoir républicain parvint enfin, en 1897, à s’emparer du village rebelle, pour l’anéantir complètement et massacrer la quasi-totalité de la communauté, soit environ 15 000 personnes. Antônio Conselheiro lui-même périt dans la phase finale du conflit, probablement de la dysenterie. (fr)
|