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- Lorsque Frankenstein de Mary Shelley a été publié en 1818, le roman s'est d'emblée trouvé catalogué gothique et, de plus, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique avait pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787), pour trouver un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797). Après avoir connu quelques sursauts avec Le Moine de Lewis (1796), elle était depuis très nettement sur le déclin. Après elle, le roman est passé à autre chose, est devenu historique avec Walter Scott, plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de relents. Avant 1818, en effet, ou au moment de la composition de Frankenstein, le genre passait pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. En conformité avec les mises en garde d'Edmund Burke, on avait, semblait-il, franchi la limite entre le fantastique et le ridicule. Ainsi, Coleridge, familier des Godwin, donc de Mary Shelley, écrivait dès 1797, à propos de Le Moine de M. G. Lewis, que « l'horrible et le surnaturel […], de puissants stimulants, ne sont jamais requis, à moins que ce ne soit pour la torpeur d'un appétit assoupi ou épuisé ». Il fustigeait les « ennemis lassants, les personnages sans consistance, les cris, meurtres, donjons souterrains, […] l'imagination et la pensée à bout de souffle, […] un goût vulgaire et bas ». Dans Northanger Abbey, Jane Austen, en 1817, faisait donner une leçon de bon sens à Catherine Morland par Henry Tilney : « Souvenez-vous que nous sommes anglais, que nous sommes chrétiens. Faites appel à votre compréhension, votre appréciation de la vraisemblance, votre sens de l'observation […] votre éducation vous prépare-t-elle à semblables atrocités ? ». Autrement dit, la critique faisait sienne le Incredulus odi auquel conduisait une surdose de merveilleux, dont la nature même, comme le précisait Walter Scott en 1818, est d'être « facilement épuisé » (easily exhausted). Le succès immédiat, et jamais démenti, de Frankenstein reposait donc sur des fondations différentes de celles de ses prédécesseurs, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Le roman substitue l'horreur à la terreur, se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque réaliste et a valeur de révélation. (fr)
- Lorsque Frankenstein de Mary Shelley a été publié en 1818, le roman s'est d'emblée trouvé catalogué gothique et, de plus, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique avait pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787), pour trouver un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797). Après avoir connu quelques sursauts avec Le Moine de Lewis (1796), elle était depuis très nettement sur le déclin. Après elle, le roman est passé à autre chose, est devenu historique avec Walter Scott, plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de relents. Avant 1818, en effet, ou au moment de la composition de Frankenstein, le genre passait pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. En conformité avec les mises en garde d'Edmund Burke, on avait, semblait-il, franchi la limite entre le fantastique et le ridicule. Ainsi, Coleridge, familier des Godwin, donc de Mary Shelley, écrivait dès 1797, à propos de Le Moine de M. G. Lewis, que « l'horrible et le surnaturel […], de puissants stimulants, ne sont jamais requis, à moins que ce ne soit pour la torpeur d'un appétit assoupi ou épuisé ». Il fustigeait les « ennemis lassants, les personnages sans consistance, les cris, meurtres, donjons souterrains, […] l'imagination et la pensée à bout de souffle, […] un goût vulgaire et bas ». Dans Northanger Abbey, Jane Austen, en 1817, faisait donner une leçon de bon sens à Catherine Morland par Henry Tilney : « Souvenez-vous que nous sommes anglais, que nous sommes chrétiens. Faites appel à votre compréhension, votre appréciation de la vraisemblance, votre sens de l'observation […] votre éducation vous prépare-t-elle à semblables atrocités ? ». Autrement dit, la critique faisait sienne le Incredulus odi auquel conduisait une surdose de merveilleux, dont la nature même, comme le précisait Walter Scott en 1818, est d'être « facilement épuisé » (easily exhausted). Le succès immédiat, et jamais démenti, de Frankenstein reposait donc sur des fondations différentes de celles de ses prédécesseurs, sinon dans leur aspect, du moins dans leur essence. Le roman substitue l'horreur à la terreur, se déleste de tout merveilleux, privilégie l'intériorisation et s'ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque réaliste et a valeur de révélation. (fr)
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- Lorsque Frankenstein de Mary Shelley a été publié en 1818, le roman s'est d'emblée trouvé catalogué gothique et, de plus, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique avait pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787), pour trouver un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797). Après avoir connu quelques sursauts avec Le Moine de Lewis (1796), elle était depuis très nettement sur le déclin. Après elle, le roman est passé à autre chose, est devenu historique avec Walter Scott, plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de rele (fr)
- Lorsque Frankenstein de Mary Shelley a été publié en 1818, le roman s'est d'emblée trouvé catalogué gothique et, de plus, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique avait pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787), pour trouver un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797). Après avoir connu quelques sursauts avec Le Moine de Lewis (1796), elle était depuis très nettement sur le déclin. Après elle, le roman est passé à autre chose, est devenu historique avec Walter Scott, plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de rele (fr)
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