Le terme d'études décoloniales renvoie à divers courants de pensée hispanophone et lusophone qui émergent en Amérique du Sud au tournant du XXIe siècle puis se développent dans le monde universitaire nord-américain et européen. Le paradigme décolonial s'intéresse initialement à la géopolitique du pouvoir et du savoir hégémonique occidental en lien avec la colonisation européenne des Amériques, puis s'étend à l'emprise culturelle du monde capitaliste à l'ensemble du globe. Cette théorie critique se différencie du courant de pensée anglophone des théories postcoloniales qui se développe dans les années 1980, et de l'anticolonialisme, critique intellectuelle et philosophique de la colonisation politique, juridique et économique qui se fait jour dès la période des Grandes découvertes et est su

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  • Le terme d'études décoloniales renvoie à divers courants de pensée hispanophone et lusophone qui émergent en Amérique du Sud au tournant du XXIe siècle puis se développent dans le monde universitaire nord-américain et européen. Le paradigme décolonial s'intéresse initialement à la géopolitique du pouvoir et du savoir hégémonique occidental en lien avec la colonisation européenne des Amériques, puis s'étend à l'emprise culturelle du monde capitaliste à l'ensemble du globe. Cette théorie critique se différencie du courant de pensée anglophone des théories postcoloniales qui se développe dans les années 1980, et de l'anticolonialisme, critique intellectuelle et philosophique de la colonisation politique, juridique et économique qui se fait jour dès la période des Grandes découvertes et est surtout réservé discursivement à une période encadrant l'apogée de l'impérialisme occidental, c'est-à-dire globalement le XIXe siècle et les deux premiers tiers du XXe siècle. Au delà de différences et d'oppositions existant entre diverses tendances au sein des études décoloniales, elles postulent qu'il existe un accord sur le fait que les pouvoirs modernes restent marqués par des pratiques politiques, économiques et surtout par un certain régime occidental de hiérarchisation des connaissances, qui se sont mis en place avec les colonisations successives et n'ont pas disparu avec les décolonisations. Le terme récent de décolonial vient de l’Amérique latine, mais celui de décolonialité (remise en question discursive de la colonisation des Amériques) s'enracine dans les résistances anciennes à la première colonisation, dès le XVIe siècle. Le sémioticien argentin Walter Mignolo insiste sur l'apport fondateur d'écrivains indigènes comme Guamán Poma de Ayala, qui ont produit au XVIIe siècle une critique du gouvernement espagnol ; de même la révolution haïtienne, avant les indépendances, a été un moment fondateur. Les principaux théoriciens des études décoloniales rejettent l'idée selon laquelle la fin des administrations coloniales et la création des États-nations d’Amérique du Sud ont fait naître un monde décolonisé et post-colonial. Ils postulent que la division internationale du travail entre le centre (l’Europe, puis les États-Unis) et la périphérie (Amérique du Sud, Afrique, Asie), de même que la hiérarchisation raciale des peuples apparue avec la première colonisation, n’ont pas disparu avec la fin du colonialisme. Des auteurs comme Santiago Castro Gómez et Ramón Grosfoguel expliquent que les organisations internationales telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont des outils parmi d’autres afin de maintenir les pays de la périphérie (le Sud global) en position de subordination. Pour les participants au projet Modernité/Colonialité/Décolonialité, apparu dans les premières années du XXIe siècle, le capitalisme n’est pas qu'un système économique, ou un système culturel, mais bien un réseau de pouvoir global, économique, politiques et épistémique. C'est l'imbrication des différents systèmes qui produit ce qu'ils appellent la colonialité du pouvoir. Les études décoloniales visent ainsi à souligner des rapports de pouvoir institutionnalisés dans l’organisation du système-monde dans un objectif d’autonomisation des régions dominées par le colonialisme moderne. La critique décoloniale vise un changement global, qui va au delà de l'autonomisation. Les auteurs décoloniaux parlent de colonialité, pas de colonialisme ; ils expliquent que la colonialité est l'envers de la modernité, cette colonialité ne se limitant pas selon eux aux nouvelles formes de domination économique mais passant également par la domination symbolique. La critique ne s’arrête pas aux relations économiques pouvant exister directement entre une ancienne métropole (comme le Portugal) et une ancienne colonie (comme le Brésil), mais bien entre les pays européens et nord-américains et les pays sur lesquels ils ont une emprise économique, culturelle et sociale via le système colonial moderne. Pour l'école décoloniale, il est également possible d'être à la fois colonisés et colonisateurs. C'est ce qu'on voit dans les pays d'Amérique qui marginalisent les communautés autochtones. Dans ce contexte, ces pays ont le double rôle de dominant et dominé. Plutôt que de « pays », formulation qui laisse de côté la conflictualité sociale interne, il faudrait parler du rôle des élites au pouvoir, complices des politiques extractivistes actuelles par exemple, et du colonialisme interne, qui a été théorisé par des auteurs latino-américains. (fr)
  • Le terme d'études décoloniales renvoie à divers courants de pensée hispanophone et lusophone qui émergent en Amérique du Sud au tournant du XXIe siècle puis se développent dans le monde universitaire nord-américain et européen. Le paradigme décolonial s'intéresse initialement à la géopolitique du pouvoir et du savoir hégémonique occidental en lien avec la colonisation européenne des Amériques, puis s'étend à l'emprise culturelle du monde capitaliste à l'ensemble du globe. Cette théorie critique se différencie du courant de pensée anglophone des théories postcoloniales qui se développe dans les années 1980, et de l'anticolonialisme, critique intellectuelle et philosophique de la colonisation politique, juridique et économique qui se fait jour dès la période des Grandes découvertes et est surtout réservé discursivement à une période encadrant l'apogée de l'impérialisme occidental, c'est-à-dire globalement le XIXe siècle et les deux premiers tiers du XXe siècle. Au delà de différences et d'oppositions existant entre diverses tendances au sein des études décoloniales, elles postulent qu'il existe un accord sur le fait que les pouvoirs modernes restent marqués par des pratiques politiques, économiques et surtout par un certain régime occidental de hiérarchisation des connaissances, qui se sont mis en place avec les colonisations successives et n'ont pas disparu avec les décolonisations. Le terme récent de décolonial vient de l’Amérique latine, mais celui de décolonialité (remise en question discursive de la colonisation des Amériques) s'enracine dans les résistances anciennes à la première colonisation, dès le XVIe siècle. Le sémioticien argentin Walter Mignolo insiste sur l'apport fondateur d'écrivains indigènes comme Guamán Poma de Ayala, qui ont produit au XVIIe siècle une critique du gouvernement espagnol ; de même la révolution haïtienne, avant les indépendances, a été un moment fondateur. Les principaux théoriciens des études décoloniales rejettent l'idée selon laquelle la fin des administrations coloniales et la création des États-nations d’Amérique du Sud ont fait naître un monde décolonisé et post-colonial. Ils postulent que la division internationale du travail entre le centre (l’Europe, puis les États-Unis) et la périphérie (Amérique du Sud, Afrique, Asie), de même que la hiérarchisation raciale des peuples apparue avec la première colonisation, n’ont pas disparu avec la fin du colonialisme. Des auteurs comme Santiago Castro Gómez et Ramón Grosfoguel expliquent que les organisations internationales telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont des outils parmi d’autres afin de maintenir les pays de la périphérie (le Sud global) en position de subordination. Pour les participants au projet Modernité/Colonialité/Décolonialité, apparu dans les premières années du XXIe siècle, le capitalisme n’est pas qu'un système économique, ou un système culturel, mais bien un réseau de pouvoir global, économique, politiques et épistémique. C'est l'imbrication des différents systèmes qui produit ce qu'ils appellent la colonialité du pouvoir. Les études décoloniales visent ainsi à souligner des rapports de pouvoir institutionnalisés dans l’organisation du système-monde dans un objectif d’autonomisation des régions dominées par le colonialisme moderne. La critique décoloniale vise un changement global, qui va au delà de l'autonomisation. Les auteurs décoloniaux parlent de colonialité, pas de colonialisme ; ils expliquent que la colonialité est l'envers de la modernité, cette colonialité ne se limitant pas selon eux aux nouvelles formes de domination économique mais passant également par la domination symbolique. La critique ne s’arrête pas aux relations économiques pouvant exister directement entre une ancienne métropole (comme le Portugal) et une ancienne colonie (comme le Brésil), mais bien entre les pays européens et nord-américains et les pays sur lesquels ils ont une emprise économique, culturelle et sociale via le système colonial moderne. Pour l'école décoloniale, il est également possible d'être à la fois colonisés et colonisateurs. C'est ce qu'on voit dans les pays d'Amérique qui marginalisent les communautés autochtones. Dans ce contexte, ces pays ont le double rôle de dominant et dominé. Plutôt que de « pays », formulation qui laisse de côté la conflictualité sociale interne, il faudrait parler du rôle des élites au pouvoir, complices des politiques extractivistes actuelles par exemple, et du colonialisme interne, qui a été théorisé par des auteurs latino-américains. (fr)
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  • Coloniser, exterminer : de vérités bonnes à dire à l’art de la simplification idéologique (fr)
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  • Le terme d'études décoloniales renvoie à divers courants de pensée hispanophone et lusophone qui émergent en Amérique du Sud au tournant du XXIe siècle puis se développent dans le monde universitaire nord-américain et européen. Le paradigme décolonial s'intéresse initialement à la géopolitique du pouvoir et du savoir hégémonique occidental en lien avec la colonisation européenne des Amériques, puis s'étend à l'emprise culturelle du monde capitaliste à l'ensemble du globe. Cette théorie critique se différencie du courant de pensée anglophone des théories postcoloniales qui se développe dans les années 1980, et de l'anticolonialisme, critique intellectuelle et philosophique de la colonisation politique, juridique et économique qui se fait jour dès la période des Grandes découvertes et est su (fr)
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