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| - En Mésopotamie, on trouve les prémices d'une pensée économique. Le croissant fertile constitue l'une des cinq régions terrestres où l'agriculture est apparue de manière indépendante. En raison d'une situation géographique et environnementale privilégiée, la région dispose dès le VIIe millénaire av. J.-C. d'un large patrimoine de cultures et de bétail. L'intensification de la production alimentaire autorise l'émergence de sociétés humaines complexes et, concurremment, de structures de gestion élaborées. Dès le IVe millénaire av. J.-C., on assiste à l'apparition de plusieurs concepts et outils fondamentaux pour la pensée économique. L'apparition de l'écriture découle probablement des besoins croissants de la population suméro-akkadienne en matière de comptabilité. Les premières tablettes d'Uruk développent des modes de représentations efficaces de l'échange commercial et du stockage bureaucratique : découpée en son milieu la face indique d'un côté les retraits (idéogramme BA qui suggère la distribution) et de l'autre côté les entrées (idéogramme GI) ; le revers figure le total de l'opération (idéogramme BAR). Ces premières modélisations se complexifient rapidement. À l'époque d'Uruk III (3200-3000 av. J.-C.), les scribes commencent à recourir à des tableaux à deux ou trois colonnes, afin de distinguer plus efficacement les composants de l'opération : « Le principe essentiel qui préside à toutes ces divisions tient dans ce qu’une information unique doit être notée par casier ; ceux-ci renferment donc des unités syntagmatiques aisément repérables à l’œil et rapidement identifiables comme telle ». Cette cohabitation d’informations suscite des effets de voisinages entre des unités pas forcément comparables. Comme toutes les sociétés orales, la civilisation suméro-akkadienne disposaient non pas d’un système numéral abstrait mais de plusieurs systèmes numéraux concrets : certains nombres ne s'appliquaient qu'au dénombrement des hommes, d'autres aux dénombrement du bétail, etc. Vers 3100 av. J.-C., on commence à faire usage d’une numérotation purement abstraite, reposant sur une base sexagésimale. Le rapprochement ne concerne pas que les symboles arithmétiques, mais également les biens eux-mêmes. Les tablettes donnent à voir un tableau d’ensemble, une figuration de l’activité économique ou administrative, indépendamment de la qualité des biens. Dès le début du IIIe millénaire av. J.-C., les Mésopotamiens transforment certaines denrées en moyen d’échange : elles ne sont pas acquises pour elles-mêmes mais comme intermédiaire en vue d’un échange ultérieur. Au cours des siècles suivants, l'argent s'impose comme la monnaie de référence. La conceptualisation croissante des activités commerciales entraîne l'avènement d'une terminologie économique élaborée. Les correspondances des marchands assyriens témoignent ainsi d'une prise de conscience du marché en tant qu'entité abstraite. Des termes assez simples acquièrent une signification complexe : šīmum ou achat désigne progressivement la situation financière globale ; maḫīrum ou confrontation se rapporte à l'espace réel ou conceptuel du marché (soit la confrontation dynamique des prix les uns avec les autres). Les acteurs économiques tendent parallèlement à s'institutionnaliser. Des compagnies commerciales (ou batum), disposant de succursales, exercent ainsi leurs activités dans une relative indépendance vis-à-vis des administrations bureaucratiques. En dépit de sa sophistication, cette pensée économique mésopotamienne ne s'exprime quasiment que dans des documents privés à visée utilitaire. La littérature mésopotamienne théorique dite sapientale n'envisage l'acte économique que dans une optique morale et éthique, prêchant, par exemple, la prudence dans la conduite des affaires. (fr)
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